Une nouvelle aube audiovisuelle ?

La mise en place de la directive SMA en France est-elle une révolution audiovisuelle comme l’avait présentée la ministre de la culture dans un entretien aux Echos? Tout bien pesé, en fait, oui et non. Oui parce qu’elle va entrainer une profonde mutation des modes de régulation du secteur, tant pour le CSA que pour le CNC ou l’Autorité de la Concurrence. Oui parce qu’elle peut augmenter fortement les commandes de séries aux producteurs français, avec un certain nombre d’effets de bord. Oui enfin parce qu’elle consacre dans la loi le basculement du centre de gravité du secteur au profit des plateformes. Mais non pour le cinéma, car elle ne lui apportera pas grand chose tout en ne réglant aucun de ses problèmes. Et non surtout parce que la directive ne fait qu’accompagner des tendances à l’oeuvre depuis longtemps sans les infléchir. Enfin, au-dessus des oui et des non, plane également un si: si les plateformes respectent vraiment ces contraintes.

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Le travail de la directive SMA

Le mot travail, selon une étymologie parfois contestée, viendrait du latin tripalium qui désignait un ingénieux instrument de torture consistant à ne pas empaler un condamné avec un seul pal mais avec trois, disposés en faisceau. La directive Services Médias Audiovisuels adoptée en 2018 dont la transposition est actuellement et douloureusement en cours en Europe et notamment en France entend aussi contraindre les services de svod américains selon trois axes : les obliger à investir une partie de leur chiffre d’affaires dans la production locale, les obliger à offrir au moins 30% de programmes européens et enfin les soumettre aux règles fiscales et réglementaires non plus du seul pays où elles s’installent mais aussi de ceux qu’elles visent. Un article récent de Variety expose cette torture à laquelle sont promises les plateformes américaines. Mais ne peut-on pas aussi renverser la perspective en remarquant que Netflix, Amazon et Disney, les trois services qui mènent une vraie offensive européenne présentent trois modèles tellement différents qu’il sera bien difficile de les faire entrer dans un seul texte ? Jusqu’à le faire éclater ?

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Netflix à la manoeuvre: à propos de l’étude Analysis Group sur les conséquences du projet de transposition de la directive SMA

Le cabinet d’études Analysis Group a publié le 10 septembre 2020 un rapport « réalisé avec le soutien de Netflix » alertant sur les conséquences potentiellement négatives de l’obligation qui serait faite aux plateformes de svod de contribuer trop fortement à la production audiovisuelle et cinématographique française. Cette étude propose une solution alternative à l’idée d’imposer une obligation de production proportionnelle au chiffre d’affaires. Le but est de susciter un front uni des diffuseurs historiques (français) et nouveaux (américains) face aux producteurs français de cinéma et d’audiovisuel,.

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Chronologie des médias : attention danger !

A côté de la loi sur l’audiovisuel qui sera débattue en principe au printemps, à côté des décrets portant sur la publicité et la production indépendante, le gouvernement est engagé sur un troisième front, en apparence plus technique, mais au moins aussi important, celui de la chronologie des médias. En résumé : comment obliger Netflix à financer en France des films qu’il pourrait exploiter raisonnablement (c’est-à-dire vite après leur sortie) sans faire exploser un système dans lequel Canal+ reconsidère le bilan de ses avantages et de ses contraintes. Equation impossible?

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Disney+, Apple TV+, prix d’ami ou prix prédateurs ?

Soldes à tous les rayons! Disney a annoncé un prix de 6,99 $ pour son lancement en novembre aux Etats-Unis et la possibilité de s’abonner pour trois ans à 5 dollars par mois. Apple va proposer son service Apple TV+ à partir de novembre à 5$ par mois, mais les acheteurs d’un produit Apple (Iphone, Ipad, Mac, Apple TV, Watch) bénéficieront d’un an d’abonnement gratuit. Faut-il vraiment s’en réjouir?

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L’histoire mouvementée de Netflix (version de septembre 2020)

La première version de ce texte a été rédigée pendant l’été 2018. Depuis, la bibliographie sur Netflix a proliféré. En particulier est paru en septembre 2019 l’ouvrage de Marc Randolph That Will Never Work qui raconte par le menu la genèse de Netflix. Mais sa lecture, bien que recommandée, ne me conduit pas à modifier … Lire la suite

L’arbre généalogique de la svod

Dès la fin de 2018 environ un milliard de personnes dans le monde vivaient dans un foyer abonné à un service généraliste de svod comme Netflix ou Amazon Prime. Pour beaucoup d’entre eux, et notamment pour les plus jeunes, l’existence de ces services est aussi naturelle et évidente que celle des chaînes de télévision. Pour d’autres plus âgés, c’est un nouvelle technologie « disruptive » surgie de nulle part et qui prend par surprise l’audiovisuel traditionnel. En réalité la svod est un produit de synthèse, longuement élaboré au cours d’une histoire qui s’étale sur quatre décennies. Pour qu’il paraisse naturel aujourd’hui de donner son numéro de carte bancaire à une société américaine pour pouvoir regarder des films et des séries livrées à domicile par Internet il a d’abord fallu des centaines de millions d’euros de recherche et développement : mettre au point des techniques de compression de la vidéo performantes, développer des serveurs gigantesques, améliorer les débits des liaisons pour le grand public, mettre au point des algorithmes de recommandation, des interfaces simples mais sophistiquées. Il a fallu également d’intenses efforts d’éducation non seulement auprès du grand public, pour accepter de payer pour de la vidéo, ou faire confiance à un abonnement sur Internet, mais aussi des efforts d’éducation des détenteurs de droits pour accepter de quitter ou de menacer leurs modèles d’affaires traditionnels. Tout cela a pris du temps, avec de nombreuses erreurs, impasses et retours en arrière, et plus d’échecs que de réussites.

 Cinq ancêtres ont contribué à former le patrimoine génétique des services de svod, mais comme certaines espèces animales cruelles le rejeton est en train de dévorer au moins quatre de ses parents.

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Jusqu’où la svod peut-elle grimper ?

Le marché de la svod français a doublé en 2018, principalement évidemment au bénéfice de Netflix qui semble avoir dépassé les 5 millions d’abonnés. Marc Le Roy sur son compte Twitter Droit du cinéma propose un intéressant calcul en partant du fait que si aux Etats-Unis 70% des foyers ont souscrit à deux abonnements svod, cela pourrait correspondre un jour à 42 millions d’abonnements en France. La question est d’importance, non seulement pour imaginer ce qui peut se passer quand Disney/Fox, Warner et peut-être Comcast/Universal débarqueront eux aussi sur le marché français, mais aussi pour les chances d’une éventuelle offre française ou, espérons-le, européenne. Et pour les paramètres nécessaires d’une régulation nationale dans le cadre de la directive SMA. Bref quelle place reste-t-il pour d’autres que Netflix et quelle contribution la svod pourra-t-elle apporter à la production de programmes français ?

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