Photographie numérique 1995-2006: un rare cas de véritable révolution.

(Ecrit en mars 2007, douze ans après le véritable début du numérique dans la photo, ce texte reste pour l’essentiel lisible en 2020, treize nouvelles années après. Cette version en propose une légère actualisation. Pour une suite à cet article, publiée en novembre 2020, voir cet autre article sur ce site)

La photographie est la première contribution de l’ère industrielle au champ de la culture. La plus ancienne donc, mais aussi, longtemps, la plus populaire. Ainsi, quand apparaît le numérique, vers 1995, la photo trône sur 150 ans de succès commerciaux et de traditions profondément enracinées. Pourtant, en moins de dix ans, cette montagne va se fissurer, vaciller et se fondre dans les sables de l’histoire. Techniques, économie, pratiques individuelles et collectives, rien de restera intact. Aujourd’hui les cendres de l’explosion ne sont pas toutes retombées, mais il est déjà possible de discerner quelques grands traits du nouveau paysage. La plupart de ces évolutions sont positives au sens où elles élargissent et approfondissent les pratiques, mais certaines sont plus ambigües, notamment celles qui ont trait à la mémoire. Nous rappelons d’abord le contexte historique de cette mutation brutale, pour examiner ensuite la déformation des pratiques individuelles et collectives.

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Le trompe-l’oeil de l’User generated Content

article paru en 2008 sous le titre
“User Generated Contents : passade, retour aux sources ou révolution ?” dans l’ouvrage collectif Culture Web sous la direction de Xavier Greffe et Nathalie Sonnac ed Sirey-Dalloz

            L’éclatement de la bulle financière en 2000-2001 a été le point de départ d’une deuxième vague de développement de l’offre de services en ligne à destination du grand public. Souvent désignée sous le terme de « Web 2.0 » elle repose sur plusieurs innovations qui interagissent les unes avec les autres.  Il est cependant fréquent que l’on n’en retienne qu’une, celle des « user generated contents » que nous désignerons ici sous le terme français de « contenus auto-édités numériques» (CAEN)[1]. Le symbole le plus connu de cette deuxième vague est sans doute l’encyclopédie en ligne Wikipedia, créée en 2001 par l’américain Jimmy Wales, et qui repose sur l’idée d’articles écrits et corrigés par les utilisateurs de l’encyclopédie eux-mêmes. Mais une des caractéristiques les plus importantes de ce phénomène, et qui en rend l’appréhension parfois malaisée et source d’illusions, est justement son caractère multiforme. Quels contenus sont des CAEN ? Un article sur Saint-Augustin dans Wikipedia, comme une vidéo de beuverie sur Dailymotion. Un logiciel d’archivage de vidéothèque comme un hommage à Miles Davis par une école de jazz de Nice. Un blog d’économiste consacré à la mondialisation de l’agriculture, comme une série de photos de nus sur MySpace. D’un extrême à l’autre du sérieux, d’un extrême à l’autre de l’élaboration. Pourquoi alors recouvrir cet inventaire à la Prévert d’un terme unique ?

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