Cette expression peut paraître prématurée, après tout la svod n’a que 14 ans d’existence si l’on date sa naissance de l’ouverture du service de Netflix aux Etats-Unis en 2008. Pourtant cette adolescente entre déjà dans une crise de croissance et une mutation profonde vers l’âge adulte. On assiste au passage d’un modèle que l’on pourrait qualifier d’agriculture extensive à un modèle intensif. Cinq tendances sont à l’œuvre : la fin de la croissance des abonnés dans les marchés des pays riches, la décantation des modèles économiques des grands acteurs improprement regroupés sous le terme vague de « plateformes », les conséquences des changements du contexte macro-économique et surtout financier, la réduction rapide de la taille des investissements, enfin la révision du modèle de développement des programmes.
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La disparition : le triste destin des films de plateforme
Au moment où les services de svod américains sont présentés comme devant renouveler, voire réinventer l’écosystème du cinéma français, il peut être utile de se pencher sur le bilan, provisoire, des films de long métrage que ces plateformes ont proposé en exclusivité. Bilan clairement décevant pour l’instant. A cela il y a des raisons. Durables. Mais il s’agit surtout de l’apparition et du développement d’un modèle radicalement différent de celui du premier siècle du cinéma. Dans ce nouveau modèle la qualité perçue des films n’a plus vraiment d’importance. Les notions de succès ou d’échec, de médiocrité ou de qualité, et avec elles la mémoire de ces films, disparaissent.
Amazon Prime: trois raisons de s’inquiéter
Ce printemps, Amazon a racheté MGM et obtenu en France les droits de la Ligue 1 de Football. Une bonne nouvelle pour les anciens propriétaires du studio et pour le football français, en tout cas selon Vincent Labrune le président de la Ligue. Mais la bonne nouvelle pour certains n’en cache-t-elle pas d’autres bien plus mauvaises pour tous les autres?
Le travail de la directive SMA
Le mot travail, selon une étymologie parfois contestée, viendrait du latin tripalium qui désignait un ingénieux instrument de torture consistant à ne pas empaler un condamné avec un seul pal mais avec trois, disposés en faisceau. La directive Services Médias Audiovisuels adoptée en 2018 dont la transposition est actuellement et douloureusement en cours en Europe et notamment en France entend aussi contraindre les services de svod américains selon trois axes : les obliger à investir une partie de leur chiffre d’affaires dans la production locale, les obliger à offrir au moins 30% de programmes européens et enfin les soumettre aux règles fiscales et réglementaires non plus du seul pays où elles s’installent mais aussi de ceux qu’elles visent. Un article récent de Variety expose cette torture à laquelle sont promises les plateformes américaines. Mais ne peut-on pas aussi renverser la perspective en remarquant que Netflix, Amazon et Disney, les trois services qui mènent une vraie offensive européenne présentent trois modèles tellement différents qu’il sera bien difficile de les faire entrer dans un seul texte ? Jusqu’à le faire éclater ?
Jusqu’où la svod peut-elle grimper ?
Le marché de la svod français a doublé en 2018, principalement évidemment au bénéfice de Netflix qui semble avoir dépassé les 5 millions d’abonnés. Marc Le Roy sur son compte Twitter Droit du cinéma propose un intéressant calcul en partant du fait que si aux Etats-Unis 70% des foyers ont souscrit à deux abonnements svod, cela pourrait correspondre un jour à 42 millions d’abonnements en France. La question est d’importance, non seulement pour imaginer ce qui peut se passer quand Disney/Fox, Warner et peut-être Comcast/Universal débarqueront eux aussi sur le marché français, mais aussi pour les chances d’une éventuelle offre française ou, espérons-le, européenne. Et pour les paramètres nécessaires d’une régulation nationale dans le cadre de la directive SMA. Bref quelle place reste-t-il pour d’autres que Netflix et quelle contribution la svod pourra-t-elle apporter à la production de programmes français ?