Une nouvelle aube audiovisuelle ?

La mise en place de la directive SMA en France est-elle une révolution audiovisuelle comme l’avait présentée la ministre de la culture dans un entretien aux Echos? Tout bien pesé, en fait, oui et non. Oui parce qu’elle va entrainer une profonde mutation des modes de régulation du secteur, tant pour le CSA que pour le CNC ou l’Autorité de la Concurrence. Oui parce qu’elle peut augmenter fortement les commandes de séries aux producteurs français, avec un certain nombre d’effets de bord. Oui enfin parce qu’elle consacre dans la loi le basculement du centre de gravité du secteur au profit des plateformes. Mais non pour le cinéma, car elle ne lui apportera pas grand chose tout en ne réglant aucun de ses problèmes. Et non surtout parce que la directive ne fait qu’accompagner des tendances à l’oeuvre depuis longtemps sans les infléchir. Enfin, au-dessus des oui et des non, plane également un si: si les plateformes respectent vraiment ces contraintes.

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L’Empereur de Netflixie en visite sur ses terres fédérées

Selon Les Echos, l’empereur audiovisuel Reed Hastings, en visite sur ses terres fédérées de Gaule le 6 février dernier, a eu l’élégance de convier
quelques hiérarques locaux à diner au restaurant  Rostang (menu à partir de 90 euros): le patron d’Orange, celui du Monde, le directeur des programmes de TF1 et quelques autres. Les convives se sont réjoui d’apprendre qu’avec 5 millions d’abonnés en Gaule, le service de l’Empereur dépassait désormais le service Gaule +, ce dernier ayant d’ailleurs perdu plus de 200000 abonnés en 2018. La part d’audience de l’Empereur sur le marché gaulois semble également être du double de celle de Gaule +. Mais l’audience n’est pas vraiment une priorité impériale. Une des convives ayant évoqué le projet gaulois Salto, il semblerait que la tablée ait beaucoup ri.

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Le blues de la télévision commerciale.

Les groupes de télévisions commerciales européens sont apparus dans les années quatre-vingt. A l’exception d’ITV, chaîne britannique créée en 1955, mais sous une forme bien différente cependant de sa structure actuelle. Typiques des “eighties” avec leur voisine la publicité, elles ont incarné la modernité des deux dernières décennies du XX° siècle, avec les paillettes des émissions populaires et la puissance politique de leur audience. En Allemagne, RTL, Sat1 et Pro 7, en France TF1 et M6, en Italie Canale 5, Rete 4 et Italia 1 les chaînes de Médiaset de Silvio Berlusconi, en Espagne Antena 3 du groupe Atresmedia ont rejoint ITV. Ces sept groupes sont tous côtés sur les marchés financiers des cinq grands pays européens. Et tous boudés.

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La croissance souterraine de l’audience des médias audiovisuels étrangers en France

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Pendant longtemps la France est restée un container étanche à l’audiovisuel étranger. Plus que dans n’importe quel autre marché, si on prend le problème par le bout économique, et plus que dans n’importe quelle autre industrie culturelle, la télévision est restée nationale, à l’abri de la mondialisation, en tout cas en ce qui concerne les entreprises. Certes il y a toujours eu des séries et des films américains en grand nombre sur les écrans français, mais ils étaient diffusés en français par des diffuseurs français. La télévision étrangère n’était qu’une bizarrerie régionale réservée à quelques frontaliers, dont les études montraient qu’elle n’obtenait qu’une audience confinée dans la marge d’erreurs statistique, sauf de temps en temps pour un matche de football non retransmis par les chaînes nationales. La diffusion était très majoritairement hertzienne et la loi empêche en France qu’une fréquence soit attribuée à une chaîne détenue à plus de 20% par une entreprise extra-communautaire. Sur le câble et le satellite pourtant des chaînes étrangères, parquées dans des numéros de chaînes à trois chiffres, étaient présentes depuis longtemps mais sans succès.

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La stratégie des géants américains et celle des nains européens

Pour les investisseurs c’est entendu, les grands services de svod sont les nouveaux rois de l’audiovisuel, dont ils vont dominer l’économie. Et elle en a bien besoin cette économie puisque la situation des chaînes de télévisions est de plus en plus inquiétante[1] et que dans le cinéma presque tout le monde perd de l’argent, pour ne pas parler de la vidéo, moribonde. Le problème c’est que la svod ne va rien arranger, du moins à court terme. Jusqu’en 2018 en effet la quasi-totalité des services de svod étaient en déficit, en tout cas pour ceux qui publient leurs comptes. Ceux qui ne le font pas sont intégrés à des services plus grands et quand on interroge, sous le sceau du secret, un responsable financier d’Orange, de Canal+ ou de SFR par exemple, on comprend qu’il ne vaut mieux pas publier ces résultats. Il existe quelques exceptions, à commencer par Netflix, mais le tableau suivant montre qu’après 20 ans d’existence et une position de leader mondial la firme se contente d’un résultat net de 558 millions de dollars. Cela peut paraître beaucoup, mais si on rapporte cette somme au nombre d’abonnés (117 millions) cela donne une marge annuelle de 4,8 dollars par abonnés. Or, si le recrutement de chacun de ces abonnés a coûté 50 dollars (en fait c’est plus aujourd’hui), cela veut dire qu’il faut prier pour qu’ils restent au moins dix ans pour être rentable. En France, FilmoTV, filiale du groupe Wildbunch, est profitable depuis plusieurs années mais c’est une exception remarquable due à une gestion extrêmement serrée de ses coûts.

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(SVOD 6/7) Menaces


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Pour les consommateurs européens, aujourd’hui, le déploiement des offres américaines est une bonne nouvelle accueillie avec ferveur. On ne compte plus les blogs, les vidéos de fans sur Youtube, les messages sur les réseaux sociaux pour célébrer telle ou telle série, quand ce n’est pas directement Netflix, Amazon ou HBO qui font l’objet d’un culte. Le rôle de Cassandre ou de pisse-vinaigre pour décrire les nuages qui se cachent derrière cette « bonne nouvelle » n’est donc pas très confortable. Pourtant il est nécessaire d’expliquer que les grands services de svod ne se contentent pas de mettre à disposition à bon prix les œuvres, films et séries, telles qu’elles sont aujourd’hui. Elles les transforment aussi, modifient de manière peu visible mais profonde la façon dont elles sont produites. Netflix et Amazon, dans le monde entier, font des choix, mettent progressivement en avant certains programmes, en marginalisent d’autres. Elles le font gentiment, dans l’intérêt à court terme de leurs consommateurs, mais comprendre les enjeux de cette mutation c’est comprendre que la machine audiovisuelle européenne a changé de conducteur.

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Quelle place pour la télévision dans un monde numérique ?

(article rédigé en février 2018 et réactualisé en mars 2023)

La télévision a plus de soixante-quinze ans. Elle est apparue comme média accessible vers 1946, quelques années plus tard en Europe. On peut partager ces trois quarts de siècle en deux périodes. Pendant la première moitié de son existence, trente-cinq ans, jusqu’environ 1981, soit une génération, la télévision est passée de 0% de foyers équipés à presque 100%. Mais pendant cette période le nombre de chaînes a très peu augmenté, notamment en Europe. Ce qui veut dire que petit à petit, une émission quelconque a vu son audience grandir considérablement, jusqu’à représenter dans les grands pays européens, plusieurs dizaines de millions de personnes par jour au début des années quatre-vingt. Tous les jours. Quel que soit le genre de programmes. Et le lendemain, dans les cours de récréation, les repas de midi, les cantines et les bureaux, les programmes acquéraient une deuxième vie, aussi importante que la première, celle des conversations. La télévision a été le premier, et reste le plus grand, média social. Et c’est dans cette période qu’elle s’est forgé une représentation de son public, des personnes à qui elle s‘adressait, qu’elle conserve encore même si le monde a bien changé. Ce public n’était pas la foule du théâtre ou du concert. Ni celle de la salle de cinéma. La télé s’adressait aux familles, au cœur de leur vie de famille. Pas aux individus directement, mais à un collectif privé, celui du foyer, et qui élargissait son cercle dès le lendemain. Et c’est dans ce moule que les genres de programmes, les architectures des grilles de programmes, les grandes lois de l’économie de la production des émissions ont été coulées.

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(SP 4/6) Une nouvelle alliance entre la télévision publique et le pouvoir politique.

Le problème principal dont souffrent les télévisions publiques européennes n’est pas la concurrence des chaînes commerciales, ni celle des nouveaux services numériques, ni les lourdeurs des corporatismes internes, mais principalement leur rapport à leur actionnaire. Pour redynamiser l’ensemble, c’est par là qu’il faudrait commencer.

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