Le cinéma à la française n’est pas éternel

Le cinéma français vit un moment paradoxal. Côté pile l’argent coule à flot, les réalisatrices françaises viennent de décrocher successivement une Palme d’or, un Lion d’or et un Lion d’argent, et selon Unifrance les films français arrivent en troisième position dans l’offre des services de streaming mondiaux, loin derrière les films américains mais nettement devant les films britanniques ou chinois notamment. En 2021 le British Film Institute a actualisé sa liste des 100 plus grands films de l’histoire du cinéma dans laquelle 846 critiques ou cinéastes du monde entier font figurer 23 films français. Comparée à la situation des salles aux Etats-Unis, en Chine, en Allemagne ou en Italie, la situation française est nettement meilleure, l’année devant se terminer en retrait d’environ 25% par rapport aux années d’avant-covid. Ce sera probablement moins 50% en Chine et moins 33% aux Etats-Unis. Il y aurait de quoi être fier de notre cinéma. Mais côté face les professionnels, faisant un usage modéré des comparaisons internationales, s’inquiètent de la faible fréquentation dans les salles de certains films français, dont cependant la part de marché est bien supérieure, pour les dix premiers mois de l’année, à celle de la décennie en cours. Certains sonnent le tocsin et réclament d’urgence la tenue d’états généraux. Le vieillissement du public, le trop grand nombre de films, la médiocrité des scénarios font l’objet d‘articles et d’interviews alarmistes. Sans parler de la rengaine ridicule sur le prix des places.

Mais on peut craindre que cet affolement peu fondé sur le court terme soit en revanche un excellent moyen de ne pas voir le véritable problème qui se pose à moyen terme, celui du big bang du cinéma français.

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La nouvelle économie de la svod

Cette expression peut paraître prématurée, après tout la svod n’a que 14 ans d’existence si l’on date sa naissance de l’ouverture du service de Netflix aux Etats-Unis en 2008. Pourtant cette adolescente entre déjà dans une crise de croissance et une mutation profonde vers l’âge adulte. On assiste au passage d’un modèle que l’on pourrait qualifier d’agriculture extensive à un modèle intensif. Cinq tendances sont à l’œuvre : la fin de la croissance des abonnés dans les marchés des pays riches, la décantation des modèles économiques des grands acteurs improprement regroupés sous le terme vague de « plateformes », les conséquences des changements du contexte macro-économique et surtout financier, la réduction rapide de la taille des investissements, enfin la révision du modèle de développement des programmes.

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Le travail de la directive SMA

Le mot travail, selon une étymologie parfois contestée, viendrait du latin tripalium qui désignait un ingénieux instrument de torture consistant à ne pas empaler un condamné avec un seul pal mais avec trois, disposés en faisceau. La directive Services Médias Audiovisuels adoptée en 2018 dont la transposition est actuellement et douloureusement en cours en Europe et notamment en France entend aussi contraindre les services de svod américains selon trois axes : les obliger à investir une partie de leur chiffre d’affaires dans la production locale, les obliger à offrir au moins 30% de programmes européens et enfin les soumettre aux règles fiscales et réglementaires non plus du seul pays où elles s’installent mais aussi de ceux qu’elles visent. Un article récent de Variety expose cette torture à laquelle sont promises les plateformes américaines. Mais ne peut-on pas aussi renverser la perspective en remarquant que Netflix, Amazon et Disney, les trois services qui mènent une vraie offensive européenne présentent trois modèles tellement différents qu’il sera bien difficile de les faire entrer dans un seul texte ? Jusqu’à le faire éclater ?

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Jusqu’où la svod peut-elle grimper ?

Le marché de la svod français a doublé en 2018, principalement évidemment au bénéfice de Netflix qui semble avoir dépassé les 5 millions d’abonnés. Marc Le Roy sur son compte Twitter Droit du cinéma propose un intéressant calcul en partant du fait que si aux Etats-Unis 70% des foyers ont souscrit à deux abonnements svod, cela pourrait correspondre un jour à 42 millions d’abonnements en France. La question est d’importance, non seulement pour imaginer ce qui peut se passer quand Disney/Fox, Warner et peut-être Comcast/Universal débarqueront eux aussi sur le marché français, mais aussi pour les chances d’une éventuelle offre française ou, espérons-le, européenne. Et pour les paramètres nécessaires d’une régulation nationale dans le cadre de la directive SMA. Bref quelle place reste-t-il pour d’autres que Netflix et quelle contribution la svod pourra-t-elle apporter à la production de programmes français ?

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