L’ORTF : un si bon souvenir ? Réponse à Philippe Kieffer

Partager cet article
Follow Me
Tweet

Dans une tribune du Monde mon ami Philippe Kieffer vient à la rescousse du projet de création d’une holding du service public de l’audiovisuel. Etonnante défense qui se clot par cette prière : rendez-nous l’ORTF !

Philippe regrette qu’il n’y ait dans les débats actuels personne pour rappeler « l’extraordinaire créativité en matière de programmes que connut l’ORTF ». C’est oublier que cet organisme unique a exercé ses compétences dans un contexte bien particulier. Celui d’une absence de concurrence, pour la télévision, et de l’absence de mesures d’audience d’autre part.

La radio France Inter de l’ORTF, soumise à la concurrence des stations périphériques, était ainsi loin de briller comme aujourd’hui. Le rire était sur RTL ou RMC, l’information de référence était celle d’Europe n°1. France Inter, à l’exception du Pop Club diffusé à 22h30, passa largement à côté du rock, de la musique pop et même du yéyé, contrairement à la BBC (Top of the Pops) ou à Europe n°1 (Salut les Copains).

En revanche il est vrai que la télévision de l’ORTF, en situation de monopole, était nettement plus créative et ce dans tous les domaines. Information (Cinq colonnes à la Une, Panorama), Variétés (Age tendre et tête de bois, Le Palmarès de la chanson, Dim Dam Dom), Jeux (Intervilles, Monsieur Cinéma, Le mot le plus long), fictions (Thierry la Fronde, Les Rois Maudits), émissions culturelles (Alain Decaux raconte, le grand échiquier) et bien sur l’ensemble de l’œuvre de Jean-Christophe Averty. Mais la condition principale de cette diversité était l’absence de mesure d’audience, comme la plupart de ces pionniers l’ont affirmé.  Dans les années soixante les responsables des programmes de l’ORTF ne pouvaient compter que sur deux sources de réactions à leur offre : le courrier des téléspectateurs et les critiques de la presse écrite. Autant dire qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient. L’apparition des sondages par carnet d’écoute après l’introduction de la publicité de marque en 1968 ne changera pas grand-chose. Les résultats sont vagues, peu fiables, connus avec retard.  A l’abri de la concurrence et des gouts du public majoritaire, il est bien entendu plus facile d’innover.

Aujourd’hui dans le monde hyperconcurrentiel des médias de 2025, submergés d’un océan de « data », le retour artificiel à une structure unique ne serait qu’un anachronisme sans doute ni plus ni moins stérile si on est sévère, ou innovant si on est optimiste, que le système actuel avec des entreprises distinctes.

La « réforme » de l’audiovisuel public reste un exercice inutile animé par des parlementaires désœuvrés (sénateurs le plus souvent), et des technocrates ne regardant plus la télé depuis leur entrée au collège (Alexis Kohler, l’ancien secrétaire général de l’Elysée, en étant le prototype). Plutôt que de nous rendre l’ORTF il serait alors préférable que l’on protège l’audiovisuel d’une démocratie parlementaire incompétente et, ici, inutile et nuisible.

Partager cet article
Follow Me
Tweet

Laisser un commentaire