Quelle place pour la télévision dans un monde numérique ?

(article rédigé en février 2018 et réactualisé en mars 2023)

La télévision a plus de soixante-quinze ans. Elle est apparue comme média accessible vers 1946, quelques années plus tard en Europe. On peut partager ces trois quarts de siècle en deux périodes. Pendant la première moitié de son existence, trente-cinq ans, jusqu’environ 1981, soit une génération, la télévision est passée de 0% de foyers équipés à presque 100%. Mais pendant cette période le nombre de chaînes a très peu augmenté, notamment en Europe. Ce qui veut dire que petit à petit, une émission quelconque a vu son audience grandir considérablement, jusqu’à représenter dans les grands pays européens, plusieurs dizaines de millions de personnes par jour au début des années quatre-vingt. Tous les jours. Quel que soit le genre de programmes. Et le lendemain, dans les cours de récréation, les repas de midi, les cantines et les bureaux, les programmes acquéraient une deuxième vie, aussi importante que la première, celle des conversations. La télévision a été le premier, et reste le plus grand, média social. Et c’est dans cette période qu’elle s’est forgé une représentation de son public, des personnes à qui elle s‘adressait, qu’elle conserve encore même si le monde a bien changé. Ce public n’était pas la foule du théâtre ou du concert. Ni celle de la salle de cinéma. La télé s’adressait aux familles, au cœur de leur vie de famille. Pas aux individus directement, mais à un collectif privé, celui du foyer, et qui élargissait son cercle dès le lendemain. Et c’est dans ce moule que les genres de programmes, les architectures des grilles de programmes, les grandes lois de l’économie de la production des émissions ont été coulées.

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(SP 4/6) Une nouvelle alliance entre la télévision publique et le pouvoir politique.

Le problème principal dont souffrent les télévisions publiques européennes n’est pas la concurrence des chaînes commerciales, ni celle des nouveaux services numériques, ni les lourdeurs des corporatismes internes, mais principalement leur rapport à leur actionnaire. Pour redynamiser l’ensemble, c’est par là qu’il faudrait commencer.

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Les limites durables de la mesure de l’audience non-linéaire de la télévision et surtout des réseaux sociaux. Et les moyens de s’en accommoder.


Résumé :

Les vidéos à la demande (non-linéaire) ne seront probablement jamais mesurées de façon comparable à l’audience de la télévision de jadis. Pour cinq raisons :

Résultat de recherche d'images pour "crook"
  • Des sources hétérogènes, dispersées, en nombre croissant
  • La prolifération des technologies de base
  • Des difficultés conceptuelles pour définir une vidéo vue
  • Deux zones grises importantes : les robots et les pirates
  • Le manque d’intérêt des publicitaires pour jouer leur rôle traditionnel de juge de paix.

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Le modèle économique des jeux vidéo, un colosse en péril à partir de 2007


Au sein des industries culturelles, auxquelles ils appartiennent désormais officiellement, les jeux vidéo ont développé un modèle économique original, mais aujourd’hui en profonde mutation. Telle sera la thèse proposée ici. L’originalité fera l’objet d’un premier développement, et la profondeur des mutations en cours sera exposée ensuite.

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A propos de la demande de cinéma

Comment un film trouve-t-il son spectateur? Comment un spectateur chosit-il un film? A l’heure de la profusion des offres, de leur omni-disponibilité, même en déplacement, la demande de cinéma est pourtant rarement interrogée. Vagues conjectures sur les “goûts” des individus, confiance en l’efficacité de la promotion assurée par les distributeurs, et constats parfois amers de l’imprévisibilité du public. Existe-t-elle d’ailleurs vraiment cette demande?

(NB: de texte a été écrit alors que je travaillais à Allociné en janvier 2011. Il a été relu et légèrement, modifié en août 2020)

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Photographie numérique 1995-2006: un rare cas de véritable révolution.

(Ecrit en mars 2007, douze ans après le véritable début du numérique dans la photo, ce texte reste pour l’essentiel lisible en 2020, treize nouvelles années après. Cette version en propose une légère actualisation. Pour une suite à cet article, publiée en novembre 2020, voir cet autre article sur ce site)

La photographie est la première contribution de l’ère industrielle au champ de la culture. La plus ancienne donc, mais aussi, longtemps, la plus populaire. Ainsi, quand apparaît le numérique, vers 1995, la photo trône sur 150 ans de succès commerciaux et de traditions profondément enracinées. Pourtant, en moins de dix ans, cette montagne va se fissurer, vaciller et se fondre dans les sables de l’histoire. Techniques, économie, pratiques individuelles et collectives, rien de restera intact. Aujourd’hui les cendres de l’explosion ne sont pas toutes retombées, mais il est déjà possible de discerner quelques grands traits du nouveau paysage. La plupart de ces évolutions sont positives au sens où elles élargissent et approfondissent les pratiques, mais certaines sont plus ambigües, notamment celles qui ont trait à la mémoire. Nous rappelons d’abord le contexte historique de cette mutation brutale, pour examiner ensuite la déformation des pratiques individuelles et collectives.

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Le trompe-l’oeil de l’User generated Content

article paru en 2008 sous le titre
“User Generated Contents : passade, retour aux sources ou révolution ?” dans l’ouvrage collectif Culture Web sous la direction de Xavier Greffe et Nathalie Sonnac ed Sirey-Dalloz

            L’éclatement de la bulle financière en 2000-2001 a été le point de départ d’une deuxième vague de développement de l’offre de services en ligne à destination du grand public. Souvent désignée sous le terme de « Web 2.0 » elle repose sur plusieurs innovations qui interagissent les unes avec les autres.  Il est cependant fréquent que l’on n’en retienne qu’une, celle des « user generated contents » que nous désignerons ici sous le terme français de « contenus auto-édités numériques» (CAEN)[1]. Le symbole le plus connu de cette deuxième vague est sans doute l’encyclopédie en ligne Wikipedia, créée en 2001 par l’américain Jimmy Wales, et qui repose sur l’idée d’articles écrits et corrigés par les utilisateurs de l’encyclopédie eux-mêmes. Mais une des caractéristiques les plus importantes de ce phénomène, et qui en rend l’appréhension parfois malaisée et source d’illusions, est justement son caractère multiforme. Quels contenus sont des CAEN ? Un article sur Saint-Augustin dans Wikipedia, comme une vidéo de beuverie sur Dailymotion. Un logiciel d’archivage de vidéothèque comme un hommage à Miles Davis par une école de jazz de Nice. Un blog d’économiste consacré à la mondialisation de l’agriculture, comme une série de photos de nus sur MySpace. D’un extrême à l’autre du sérieux, d’un extrême à l’autre de l’élaboration. Pourquoi alors recouvrir cet inventaire à la Prévert d’un terme unique ?

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Les avatars du multimédia : une bonne idée et un mot raté

Résumé : le mot multimédia possède plusieurs sens précis et un sens général très vague. Mais ce brouillard sémantique masque deux histoires exemplaires, emmêlées mais distinctes. Dans l’une « média » signifie « manière de coder l’information », alors que dans l’autre le mot recouvre des branches des industries de la communication.  La première est un cas exemplaire de pensée abstraite concrétisée, une bonne illustration de l’intérêt des recherches fondamentales théoriques. La seconde tradition, réincarnée dans le thème de la convergence au moment de la « bulle technologique », fournit un très bon exemple de l’autonomie de l’économie par rapport à la technologie. La première histoire est celle d’un succès, la seconde celle de deux vagues d’échecs.

Le futur multimédia vu par ATT en 1986

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