Les limites durables de la mesure de l’audience non-linéaire de la télévision et surtout des réseaux sociaux. Et les moyens de s’en accommoder.

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Résumé :

Les vidéos à la demande (non-linéaire) ne seront probablement jamais mesurées de façon comparable à l’audience de la télévision de jadis. Pour cinq raisons :

Résultat de recherche d'images pour "crook"
  • Des sources hétérogènes, dispersées, en nombre croissant
  • La prolifération des technologies de base
  • Des difficultés conceptuelles pour définir une vidéo vue
  • Deux zones grises importantes : les robots et les pirates
  • Le manque d’intérêt des publicitaires pour jouer leur rôle traditionnel de juge de paix.


Un consensus hante le secteur de la télévision, celui de l’inéluctable marginalisation de la télévision classique, linéaire, le « broadcast ».  En revanche, la télévision de rattrapage, les vidéos sur Youtube, Facebook ou sur les plateformes des distributeurs vont progressivement prendre une place essentielle voire, à terme, majoritaire. Personne ne nie que l’évolution aille dans ce sens, mais en Europe peu de voix s’élèvent pour faire remarquer que si c’est le cas, alors il faut dire adieu aux mesures d’audience telles que la télévision les connait depuis un demi-siècle.

Les vidéos à la demande (non-linéaire) ne seront probablement jamais mesurées de façon comparable à la télévision de jadis. Les méthodes auront beau se perfectionner, coûter de plus en plus cher, elles seront probablement toujours moins précises, moins stables, moins comparables et plus contestées. Voici pourquoi :

1 : la dispersion des sources

Alors que l’audience de la télévision linéaire est généralement mesurée dans chaque pays par un organisme unique, qui mesure un seul appareil, dans une seule situation de consommation, celle de la télévision à la demande résulte nécessairement de la compilation de données hétérogènes :

  • Les relevés sur les serveurs de la chaîne, éventuellement certifiés par exemple par l’OJD en France
  • Les déclarations transmises par des distributeurs tiers, tels que les opérateurs ADSL, câble ou satellite.
  • Les déclarations fournies par des partenaires qui reprennent tout ou partie de l’offre de la chaîne dans le cadre d’un contrat (par exemple sites de l’ARD ou de la ZDF pour Arte) ou des plateformes OTT comme Zatoo en Suisse ou Molotov en France
  • L’audience sur des agrégateurs comme Youtube ou Dailymotion
  • L’audience sur les médias sociaux
  • Il existe par ailleurs des tentatives de constituer des panels observant une grande partie de ces modes de consommation (4 écrans de Médiamétrie)

Ces données ne sont ni toujours cohérentes conceptuellement, ni toujours fournies correctement. Par exemple en France l’opérateur câble est notoirement défaillant dans sa fourniture de données. D’autre part ces différents intervenants n’ont pas tous les mêmes délais de fourniture ni les mêmes protocoles, pour ne pas parler de la possibilité, très restreinte, d’analyser dans le détail ces informations le plus souvent fournies « en vrac ».

Ajoutons que le plus probable est la multiplication de ces sources et surtout que ces entreprises tierces n’ont la plupart du temps aucun intérêt économique à mesurer cette audience et à la communiquer.

En France la tentative de Médiamétrie de proposer une mesure « quatre écrans » est louable mais comporte les limites suivantes :

  • elle est, à ce stade, isolée en Europe (En Allemagne GfK commence à fournir une mesure deux écrans, téléviseur et PC, mais avec des méthodes significativement différentes)
  • elle mesure par plusieurs échantillons l’audience française, mais pas l’audience à l’étranger, loin pourtant d’être négligeable en mode non-linéaire.
  • elle se heurte encore à quelques problèmes techniques, peut-être transitoires.
  • Elle reste dans une logique centrée sur le linéaire : en effet seules les vidéos passées à l’antenne linéaire, et peut-être leurs bonus, sont mesurées.
  • La multiplication rapide sur ce marché des terminaux et des modes de distribution posera un défi d’adaptation permanente à AGF en Allemagne comme à la coopérative Médiamétrie en France dans laquelle sont représentés les intérêts divergents des médias, des annonceurs et des intermédiaires de publicité. Elles devront courir en permanence après l’évolution des pratiques réelles des consommateurs, ce qui n’est pas dans leur culture d’entreprise pour laquelle la stabilité des méthodologies est une vertu cardinale.

2 : L’éclatement des modes de consommation et des technologies

Ce point est différent du précédent. Il ne s’agit pas ici du problème de l’hétérogénéité des sources à combiner mais du phénomène lui-même. La consultation de vidéos à la demande repose sur des techniques en évolution permanente, mettant en œuvre non seulement trois types d’écrans différents, les téléviseurs, les ordinateurs et les mobiles (téléphones et tablettes), mais aussi des logiciels très nombreux possédant souvent leur propre norme vidéo : la vidéo n’est pas distribuée exactement de la même façon sur un smartphone Androïd ou un Iphone, sur Youtube ou sur Facebook, sur le câble ou sur l’ADSL.

Ainsi, même en supposant l’absence d’opérateurs tiers, les données obtenues même à partir des serveurs d’une chaîne de télévision ne recouvrent pas forcément les mêmes consommations et demandent en permanence d’adapter les analyses. Par exemple dans certains cas l’ouverture d’une vidéo va déclencher le téléchargement de l’intégralité du fichier (si le consommateur reste assez longtemps) alors que dans d’autres cas seule la vidéo « consommée » sera téléchargée au fur et à mesure. Dans le cas des box ADSL, l’opérateur peut bien mesurer les vidéos qui sont acheminées vers la box de l’usager, il ne peut pas savoir si le téléviseur est bien réglé sur la box, ni même s’il est allumé. Si on lance une chaîne Youtube à partir d’une box, avec le téléviseur réglé sur la box (par exemple HDMI 1) mais qu’on bascule vers une chaîne de télévision classique avec la télécommande du téléviseur, l’opérateur va continuer à comptabiliser les vidéos de la chaîne Youtube même si personne ne les voit.

Un autre exemple récent est le phénomène des adblockers, ces logiciels qui permettent de bloquer les publicités sur les navigateurs, y compris ceux des mobiles. Par exemple pour Arte, à l’automne 2016, 27% des internautes utilisaient un ad-blocker. Or la plupart de ces logiciels bloquent non seulement les publicités mais aussi tout ou partie des données d’identification. Il n’est plus possible par exemple de connaître la nationalité de l’utilisateur, de compter les visiteurs uniques, etc. Ceci n’est qu’un exemple des difficultés, souvent transitoires, mais toujours renouvelées, d’établir des statistiques de fréquentation correctes sur le trafic internet vidéo.

3 : D’importantes difficultés conceptuelles

La notion la plus utilisée est celle de « nombre de vidéos vues ». Mais elle comporte deux gros défauts :

  • Le « nombre de vidéos vues » agrège des vidéos de quelques secondes et d’autres qui peuvent dépasser une heure de visionnage. Un clip de 5 secondes sur Facebook va compter autant qu’un documentaire de 52 minutes.
  • Les acteurs du domaine ne les mesurent pas de la même façon. Faut-il compter les vidéos qui se déclenchent dès l’arrivée sur la page ou l’application, même sans action de l’utilisateur ? Certains le font, d’autres non. Comment traduit-on en termes de vidéos vues l’audience de la télévision en direct sur Internet (livestream) quand l’utilisateur regarde plusieurs programmes successifs ?

Pour répondre au premier problème on tente de mesurer la durée de visionnage des vidéos, mais là encore les difficultés conceptuelles et techniques sont nombreuses. Suivant le type d’appareil, le protocole de distribution de la vidéo, le réseau de télécommunications utilisé (réseau filaire, wifi, téléphonie mobile), les mesures ne peuvent pas être les mêmes. Par exemple dans une maison équipée de wifi, il n’est pas possible pour un observateur extérieur (institut de sondage, panel, fournisseur d’accès) de savoir qui regarde quoi, ni d’ailleurs être certain que les vidéos sont effectivement vues. On peut bien entendu multiplier les panels pour tenter de mesurer l’audience dans les foyers, mais par exemple la réception en mobilité ne sera pas ou mal mesurée, bien que probablement de plus en plus importante, sans compter la difficulté pour adapter en permanence le panel aux évolutions techniques.

Sur le second point, le cas de Facebook qui a dû reconnaitre à l’été 2016 avoir surestimé largement la durée d’audience de ses vidéos est symptomatique. Il s’agit pourtant d’une des plus grandes sociétés du domaine, scrutée en permanence par les marchés financiers et les acteurs de la publicité, mais qui pourtant n’a pas pu mettre en place, pour l’instant, un système de mesure stabilisé et incontesté.

On peut trouver par exemple ici une intéressante analyse indépendante des différences entre ces différentes notion de « vidéo vues » : où comment une même vidéo peut être comptabilisée pour 774144 « vues », ou bien 263303, ou en fait plutôt 17831 (nombre de ceux qui ont explicitement demandé la vidéo et l’on regardée pendant 2mn 17. Soit , sur la base 100 pour le premier chiffre, 34 pour le second, et 2,3 pour le dernier. On trouvera en annexe une analyse détaillée de la signification des audiences Facebook et de leurs limites pour une chaîne comme Arte.

D’autres voix sont plus radicales encore comme cette intéressante analyse intitulée « Internet video views is a 100% bullshit metric ».

YouTube a annoncé à la fin 2014 la mise en place un système d’audit des données de vidéo vues en réponse aux soupçons de données gonflées par différentes méthodes.

4 : Deux zones grises durables

Deux problèmes inexistants dans le monde de la télévision linéaire sont pourtant endémiques dans le monde non-linéaire : les robots et les pirates. Tous deux posent des problèmes de mesure de l’audience, de sens inverse certes, mais diminuant tous les deux la crédibilité globale des mesures d’audience.

  • Les robots conduisent à une surestimation des vidéos vues. “Increasingly, digital ad viewers aren’t human. A study done last year in conjunction with the Association of National Advertisers embedded billions of digital ads with code designed to determine who or what was seeing them. Eleven percent of display ads and almost a quarter of video ads were “viewed” by software, not people. According to the ANA study, which was conducted by the security firm White Ops and is titled The Bot Baseline: Fraud In Digital Advertising, fake traffic will cost advertisers $6.3 billion this year.” (Extrait d’un article de Bloomberg)

On estime entre 10 et 50% le pourcentage de visites constatées qui seraient le fait de robots. Pour les vidéos vues, le chiffre courant, aux Etats-Unis, est de l’ordre de 25%.

  • Les pirates induisent en revanche une sous-estimation de l’audience réelle.

Il suffit de faire une recherche sur les portails vidéo, notamment Youtube pour constater que de très nombreux contenus d’Arte sont disponibles sans notre autorisation. Même s’il existe des moyens automatiques et humains pour lutter contre ces contrefaçons (chaque jour une chaîne comme Arte pourrait demander la dépublication d’une centaine de contenus), ces grands sites publics ne sont que la partie émergée du phénomène. De nombreuses applications permettent d’aspirer des contenus vidéo sur nos sites pour les diffuser sur des services non-officiels ou de consulter des vidéos d’origine disons variée (KODI par exemple).

La mesure du piratage est par définition encore plus difficile que celle des consultations légales, mais pour Arte on peut estimer qu’en septembre 2016 entre 5 et 15% du volume de données sortant du CDN étaient le fait de pirates, ou en tout cas de requêtes utilisant des protocoles « exotiques ». Cela ne veut pas dire qu’entre 5 et 15% des vidéos vues sont non-comptabilisées de ce fait : les pirates téléchargent l’intégralité de certains fichiers (download et non streaming), donc une vidéo piratée n’est pas forcément vue, en tout cas par le pirate. Mais on ne sait rien de l’usage qu’ils en font ensuite, même si on peut penser que ces vidéos finissent par être vues, sinon elles cesseraient d’être téléchargées.

5 : Deux remarques générales

  • La représentativité des panels est régulièrement mise en doute. En Allemagne les étrangers n’y sont admis que depuis 2016. En France l’interdiction des statistiques « ethniques » masque le problème, mais il n’en existe pas moins. Aux Etats-Unis la question des minorités, surreprésentées au début des années soixante (parce que Nielsen payait les panélistes), puis sous-représentées ensuite, est un problème endémique.
  • La vision de programmes enregistrés sur magnétoscope, à partir de la fin des années soixante-dix, n’a été intégrée que quinze ans après dans la plupart des pays, un problème qui préfigurait celui que nous avons aujourd’hui.
  • Le recrutement des panélistes coûte cher (il faut trouver des foyers ayant les bonnes caractéristiques et acceptant l’installation d’un dispositif intrusif chez eux) et les instituts ne les renouvellent pas aussi souvent qu’ils sont censés le faire. Aux Etats-Unis les méthodes de mesure sont de plus en plus contestées, comme l’illustre un article du New-York Times .
  • Chaque fois qu’il y a eu deux systèmes en concurrence (Nielsen contre Arbitron aux Etats-Unis dans les années quatre-vingt, Médiamétrie et Nielsen en France au début des années quatre-vingt-dix, Suisse il y a quatre ans), les résultats des deux systèmes ont été significativement différents, ce qui laisse planer un doute sur la fiabilité des résultats. Mais, à chaque fois, les publicitaires sont intervenus avec comme argument, implicite, qu’il vaut mieux un système imparfait mais accepté par les annonceurs, que deux systèmes en compétition pour la bonne cause mais jetant le trouble sur le marché.
  • Enfin, point le plus important, l’audience de la télévision n’est que la mesure du temps passé devant un écran de télévision allumé. Mais rien n’indique que les individus mesurés regardent vraiment le programme. Une étude célèbre menée par le Barb britannique dans les années quatre-vingt indiquait que les téléspectateurs d’une émission ne regardaient effectivement l’écran que moins de la moitié du temps. Aux Etats-Unis une étude récente  du cabinet IPG Media Lab affirmait : «  Unlike TV, where viewers are only paying attention about half the time (and that percentage drops even lower during ad breaks), online viewers are more engaged». Il est en effet probable qu’en mode à la demande, sur le numérique, l’attention soit beaucoup plus forte. En tout cas quand le spectateur a délibérément fait le choix de lancer la vidéo.

La première tend à relativiser la gravité du problème. Il serait en effet un peu rapide d’opposer la rigueur des mesures d’audience de la télévision linéaire avec le n’importe quoi des mesures non-linéaires. Les mesures d’audience de la télévision existent bien depuis 60 ans mais leur histoire, un peu oubliée aujourd’hui, a été parsemée de scandales, de polémiques et de contestations[1]. On trouvera une analyse plus spécifiquement consacrée à la nécessaire adaptation des analyses d’audience de la télévision au contexte élargi au numérique ici sur ce site.

La mesure de l’audience de la télévision classique est certes acceptée largement par les publicitaires ou les leaders d’opinion, mais elle est loin d’être d’une rigueur parfaite. En revanche une deuxième considération n’incite pas à l’optimisme quant à l’amélioration de la qualité des données sur le numérique, en tout cas dans un délai raisonnable. Car ce sont toujours les publicitaires qui ont été l’aiguillon et le juge en dernier ressort pour l’amélioration des mesures d’audience des médias. Mais aujourd’hui ils désertent peu à peu le domaine, car ils ont mis au point leur propres systèmes de mesure : vidéos publicitaires vues sur les ad-servers, clics effectifs sur les bannières, etc. Contrairement aux marchés des médias classiques ils n’ont ici ni confiance en les mesures d’audience des médias numériques ni besoin d’elles. Le numérique est le premier média publicitaire dans lequel la publicité est matériellement séparable du contenu. Dès lors il n’est plus indispensable de mesurer l’audience du contenu, puisqu’on peut directement mesurer celle de la publicité. Il ne faudra donc pas compter sur les publicitaires pour jouer le rôle de juges de paix, ce n’est plus leur problème. Là est sans doute la plus grande raison d’être pessimiste quant aux perspectives d’amélioration des données d’audience numérique.

6 : Que faire ?

Une grave erreur serait pourtant de se résigner à disposer de données inadéquates. Les mesures d’audience ont en effet une triple fonction :

  • Elément de la stratégie commerciale
  • Elément de communication pour l’environnement de la chaîne, tutelles, journalistes, producteurs, relais d’opinion
  • Outil de pilotage de la grille et des commandes de programmes.

C’est surtout le premier point qui concentre les inconvénients exposés plus haut. Mais les difficultés pour le second point ne sont pas négligeables à terme. Voici quelques suggestions d’action pour une chaîne publique :

  1. Continuer à disposer autant que possible du maximum de données, malgré les limites de l’exercice, quitte à devoir vivre avec des incohérences ou des difficultés de synthèse.
  2. Renforcer, quand c’est possible, les obligations contractuelles des partenaires de distribution pour fournir des données correctes dans des délais raisonnables.
  3. Distinguer dans les vidéos vues, celles de moins de 3 minutes (par exemple) et les autres de manière à suivre séparément ces deux totaux. Il peut être intéressant à court terme de continuer à agréger toutes les vidéos vues, mais tôt ou tard le marché imposera de ne pas confondre l’audience des bandes annonces ou des éléments de promotion sur les réseaux sociaux avec celles des programmes eux-mêmes.
  4. Demander au service des études un dispositif léger mais permanent d’observatoire des méthodes de mesure et de communication des résultats utilisées ailleurs, notamment aux Etats-Unis, par exemple en faisant un point deux fois par an, éventuellement en s’appuyant sur un consultant spécialisé .

Annexe : l’exemple des audiences d’Arte sur Facebook

  • Facebook était en 2016 un canal important de diffusion du contenu ARTE (environ 12 millions de vidéos vues par mois)
  • De plus en plus de formats sont portés sur Facebook ou créés spécifiquement pour la plateforme
  • Les chiffres d’audience remontés étaient régulièrement impressionnants (de 300,000 à 5 millions de vidéos vues sur certaines vidéos), de plusieurs ordres de grandeur supérieurs à ceux enregistrés sur les propriétés numériques ARTE

Une lecture rapide des chiffres poussait donc à la conclusion que Facebook était devenu un canal de consultation majeur des contenus d’Arte et qu’il convenait d’en faire une priorité. Mais la réalité était plus nuancée. Il était important de:

  • comprendre clairement ces chiffres et leur signification
  • identifier les enjeux et les priorités pour ARTE sur ce canal de diffusion (à quoi sert Facebook?)
  • Définir et partager des mesures qui permettent d’évaluer le succès en fonction de priorités et de diriger la production de contenu et les investissements marketing dans le sens correspondant.

Problème #1: Temps total de visionnement contre nombre de vidéos vues

Illustration: Facebook live de Yann Tiersen vs. ARTE Concert

9 Octobre 2016, chiffres totaux en date du 8 Novembre 2016, Direct + replay

Total des vues sur ARTE Concert : 52 664

Durée moyenne de visionnement : 9m 03s

Total durée visionnement : 476 292 minutes

Total des vues Facebook : 436 628

Durée moyenne de visionnement : 1m 13s

Total durée de visionnement: 534 028 minutes

Mais 81% des vidéos vues avec le son désactivé (mute player)!

On obtenait donc, avec des chiffres de vidéos vues très différents (X 8,3 en faveur de Facebook) des temps totaux de visionnement relativement équivalents (X 1,1 en faveur de Facebook). Ceci pose la question de la mesure réelle de la valeur pour ARTE d’une vidéo vue (et de la méthodologie de cumul possible des vidéos vues entre les lecteurs ARTE et Facebook), surtout quand un concert de musical était « vu » à 81%… sans le son !

Problème #2: Vidéo vue achetée ≠ vidéo vue organique

Illustration: Street Philosophy, « l’amour » et « le doute »

Chiffre totaux en date du 16 Novembre

L’achat de trafic sur Facebook est peu cher et peut facilement gonfler les chiffres d’audience. Ainsi, certaines vidéos voient leur trafic augmenter de 80% grâce au trafic payé.

Or on constate pour un même programme un comportement différent des utilisateurs selon leur origine: Le trafic payé est largement plus faible en termes d’engagement, de durée moyenne de lecture et de taux de complétion.

On peut comparer les courbes de fidélisation des deux vidéos, montrant un très faible taux de complétion de la vidéo pour le trafic majoritairement payant.

En trafic organique, on parvient à engager 20 à 30% des utilisateurs sur une durée de visionnement significative.

En trafic payant, ce taux chute rapidement pour atteindre seulement 5% d’utilisateurs toujours présent au bout de 90 secondes.

Pour compléter et revenir au premier enjeu de ce document, il est à noter que l’épisode entier de Street Philosophy sur le doute a été vu 10 215 fois sur ARTE Creative (loin des 400 000 vues de Facebook). Mais avec un temps moyen d’écoute de presque 8 minutes, il engrange 81,000 minutes de visionnement contre 128,000 minutes sur Facebook (durée moyenne de visionnement de 19 secondes).

Problème #3: Différencier les programmes et leur promotion (remarque de bon sens mais oubliée par les communications de données additionnant le tout)

Illustration: Teaser « A pleines dents », 24 Octobre 2016

Cette vidéo « La plupart des gens ne mangent plus maintenant », promotion pour le programme « A pleines dents » bat probablement un record d’exposition et de vues sur Facebook (chiffres totaux au 16 Novembre 2016) :

  • 5,5 millions d’utilisateurs atteints
  • 2,3 millions de vidéos vues
  • 98,000 interactions dont 16,000 commentaires

Est-il pour autant légitime de compter ces vidéos vues comme l’audience d’un programme ?

  • La vidéo dure 60 secondes. Elle est, de fait, un teaser (pas de d’arc narratif, début/fin etc)
  • Durée moyenne de visionnement: 34 secondes
  • 25% du trafic est payé, 75% organique

A de nombreux titres, on peut considérer cette vidéo comme un exemple réussi de promotion sur Facebook.

  •  La part du trafic payé est modérée
  •  La part de lectures via partage (c’est à dire sur les flux de gens qui ne sont pas forcément fans d’ARTE) est importante (44%) et montre que la vidéo a circulé hors du cercle des “fans” d’Arte, c’est à dire a pu apporter un nouveau public à la marque ARTE.
  •  Le taux d’interaction est important (au total, près de 100,000 personnes ont posé un geste après avoir vu cette vidéo).

Il faut reconnaitre le succès de cette vidéo comme outil de promotion, dans une fonction purement marketing.

Mais il n’est pas légitime d’ajouter l’audience de cette bande annonce à l’audience du programme en ARTE+7.

=> Il faut alors introduire deux modes de mesure du succès:

  • Pour les « programmes » (en tant que proposition éditoriale) diffusés sur les réseaux sociaux, il faudrait ne compter que le trafic organique volontaire (pas d’autoplay et durée supérieure à un seuil minimum, 3 secondes au moins et plutôt 10).
  • Pour les médias promotionnels (par exemple, la vidéo « A pleines dents »), à partir de la population exposée au message mesurer l’impact sur l’audience du programme lui-même.
  •  Mais ajouter les chiffres Facebook aux chiffres de vidéos vues du programme reviendrait à cumuler en mode linéaire l’audience d’un programme et celle de ses bandes annonces. Rappel : en France quatre bandes annonces chaque semaine dépassent les 15 GRP, soit environ 9 millions de « vues ».

[1] Voir par exemple pour la France Cécile MÉADEL (2010), Quantifier le public. Histoire des mesures d’audience de la radio et de la télévision Paris, Éditions Economica, Coll. « Médias et Publicités »

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