Le crépuscule de Warner

Qui aime le cinéma aime Warner, ou au moins l’admire. Sous son label a été inventé le parlant, s’est développée la couleur, a été créée une suite ininterrompue de chefs-d’œuvre et de succès, et la révolution des séries. Du moins sur les écrans. En revanche si l’on franchit la scène on découvre au contraire une caricature de ce qui est dénoncé comme le pire du capitalisme au XXI° siècle. La finance avant la bonne gestion industrielle, la gestion industrielle avant le respect des personnes. Des dirigeants fautifs aux rémunérations gargantuesques, des conflits et du mépris, des vies brisées. L’impunité derrière les slogans ronflants de prétendus visionnaires. Une stratégie toujours présentée comme au service de la création de valeur pour les actionnaires mais dont les effets concrets sont la destruction de dizaines de milliards de dollars. En 2024 il semble cependant que l’histoire touche à sa fin. Selon de nombreux experts la survie de Warner n’est pas assurée, du moins sous sa forme actuelle d’un conglomérat.

Mais avant de parcourir la tumultueuse histoire financière de ce phénix déplumé il faut se rappeler qu’il s’agit d’abord de la plus fertile aventure audiovisuelle de l’histoire.

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Comcast, l’empire

Cet article fait partie d’un ensemble de six textes sur ce site qui forment un tout: Le vieil Hollywood: anatomie d’une chutela cartographie, puis quatre analyses consacrées respectivement à Disney, à ParamountGobal, ici à Comcast et plus tard à WarnerDiscovery

Comcast est la moins connue des grandes sociétés américaines audiovisuelles, en France en tout cas. Et pourtant c’est sans doute la plus surprenante, et par ailleurs de loin la plus rentable. Elle présente au moins quatre originalités remarquables.

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Disney, la forteresse fissurée

La plus connue de toutes les marques de l’audiovisuel mondial, en fait la seule véritablement identifiée dans le monde entier par la très grande majorité de la population, est aussi le plus grand groupe industriel du secteur. Les autres groupes sont de simples entreprises, Disney est un monument.

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L’audiovisuel américain, une cartographie sommaire… et un boa constrictor

L’audiovisuel américain est un système beaucoup plus riche et complexe que ses homologues européens. La taille du marché est bien sûr un premier facteur de différence avec l’Europe. Les entreprises américaines s’adressent à 322 millions de personnes, quand le marché européen est fragmenté en 27 entités avec leur propres langues et leurs réglementations. Mais la principale différence est la présence de l’ensemble de la chaîne de valeur qui va de l’amont (les technologies, les créateurs) à l’aval (les moyens de distribution, salles, câble, satellite, réseaux hertziens, fournisseurs d‘accès à Internet, boitiers), et qui alimente le monde entier. Dans de nombreux segments de cette chaîne de valeur les Etats-Unis sont le seul atelier du monde, le seul autosuffisant, et les autres pays, notamment en Europe, n’ont en réalité aucune autonomie véritable. Par ailleurs, au pays de la libre entreprise, les réglementations sont surabondantes : fédérales (la FCC, Federal Communications Commission) mais aussi à l’échelon des Etats, voire des municipalités. A ces textes s’ajoutent des pratiques syndicales très contraignantes. Les avocats forment donc une composante significative de l’emploi audiovisuel global.

Ce système complexe employait 822000 personnes en 2021 dans des contrats réguliers (à l’exclusion donc des emplois très courts ou des stagiaires) selon la Motion Pictures of America (MPA), lobby qui a sans doute tendance à gonfler les chiffres. Mais c’est presque 11 fois plus qu’en France (la population américaine n’est que 5 fois plus nombreuse que la française). 170000 comédiens et comédiennes avaient eu au moins un contrat en 2021. En France on recense 5000 comédiens et comédiennes, dont les trois quarts uniquement au théâtre. Lors des grèves de 2023 les syndicats de scénaristes (WGA, Writer Guild of América, 11500 membres actifs) et de comédiens (SAG-AFTRA, Screen Actors Guild-American Federation of Television and Radio Artists, 160000 membres) ont été capables de mobiliser plusieurs millions de dollars pour supporter une grève de cinq mois. On résume parfois la force de l’audiovisuel américain à ses grandes entreprises et leur rouleau compresseur marketing. Il faut prendre aussi la mesure de la puissance d’une autre armée américaine, celle des quelques 200000 créatifs, comédiens, comédiennes, scénaristes, réalisateurs, réalisatrices, artistes des effets spéciaux. Les entreprises et les créatifs dépendent les uns des autres, la force des unes soutient la force des autres, mais si on peut s’inquiéter à bon droit de la santé d’une partie des grandes entreprises du secteur, il n’y a en revanche aucune raison de douter de la capacité du système audiovisuel américain à créer des œuvres.

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Le vieil Hollywood, anatomie d’une chute

Qu’arrive-t-il à l’audiovisuel américain ? Les grands d’Hollywood, entreprises passées maitresses depuis des décennies dans l’art de la communication financière, bardées de départements de relations publiques aguerris, expliquent qu’elles traversent une période de mutation et qu’elles s’y adaptent. Mais jetons un coup d’œil aux marchés boursiers. Ils ne sont pas infaillibles certes, et leurs fluctuations à court terme sont parfois difficiles à comprendre, mais leur évolution sur plusieurs années fournit un thermomètre sans doute plus fiable.

Voici l’évolution des cours de bourse depuis 2021 et 2019 des principales sociétés du secteur, classés par capitalisation décroissante :

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