Réalisatrices de cinéma: tendances et public

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Avec une Palme et un Lion d’or en 2021 pour Julia Ducournau et Audrey Diwan, avec la parité au jury du festival de Cannes et à l’Académie des Césars, avec 99 nouveaux films agréés par le CNC en 2021 réalisés par des femmes, soit 29% du total, tout semble bien orienté pour la longue marche de la cause des femmes dans le cinéma français.

Mais dans ce concert d’autosatisfaction du milieu, légitime par bien des aspects, où l’on parle surtout de nombre de films, le public et les chiffres de fréquentation sont cependant absents. Or ils dressent un tableau bien différent, et moins réjouissant.

Les nombreux succès de films de réalisatrices, souvent sous-estimés.

Nous avons constitué une base de données de 660 réalisatrices, dont 612 ayant eu au moins un film distribué en salles en France entre 1946 et 2020. L’annexe 2 à la fin de ce texte expose la méthodologie suivie et les limites de l’exercice. La base compile les données de fréquentation et les notes IMdb et Allociné de 1550 films. Nous examinerons plus loin les évolutions dans le temps que révèle l’examen de cette base de données, mais il est utile de commencer par une vue d’ensemble.

Les films réalisés par des femmes ont cumulé en 75 ans au moins 413 millions d’entrées dans les salles françaises. En part relative c’est peu (2,5% du total), mais dans l’absolu c’est beaucoup, en tout cas suffisamment pour qu’on s’y intéresse en laissant provisoirement de côté les valeurs relatives. Une centaine de ces films a dépassé le million de spectateurs. C’est beaucoup également, et en tout cas bien plus que ce qu’on imagine généralement. Il est salutaire de le rappeler quand le discours sur les films de réalisatrices, généralement militant ou revendicatif, certes à bon droit, concourt cependant à donner également à l’ensemble de ces films une image de rareté, voire de marginalité. Or de nombreuses réalisatrices sont au contraire des cinéastes grand public, rassemblant plusieurs millions de spectateurs au cours de leur carrière.

Commençons par relever deux injustices. Jacqueline Audry tout d’abord, qui fait cependant depuis quelques années l’objet d’une défense et illustration notamment par Brigitte Rollet qui lui a consacré un beau livre. Mais si Bertrand Tavernier lui accorde un passage dans sa série Voyages dans le cinéma français, au pluriel, il l’avait négligé dans son premier Voyage, au singulier, sorti en salles. Pourtant Jacqueline Audry a réuni plus de 17 millions de spectateurs au cours d’une carrière qui va de 1946 à 1962 en salles  et même 1971 si l’on inclut le Lis de Mer, jamais sorti en France. 17 millions c’est à peu près la même taille de public que Melville ou Tavernier (19 millions), c’est près du double de Jean-Luc Godard. Or, si Audry a souvent tourné avec une distribution prestigieuse (Arletty, Bernard Blier, Edwige Feuillère, Claude Rich, Danièle Delorme, entre autres) elle a su conquérir le grand public tout en adaptant des auteurs tels que Sartre, Colette ou de Mandiargues, et en abordant de front des thèmes comme l’homosexualité féminine, l’orgasme féminin ou la bisexualité. Il est difficile de trouver dans le cinéma français un autre exemple de conciliation de l’inconciliable : des sujets audacieux, surtout pour l’époque, une ambition littéraire et le grand public. Jacqueline Audry mérite beaucoup mieux que de simplement côtoyer Alice Guy et Germaine Dulac au rayon des curiosités oubliées (mais célébrées dans le monde anglo-saxon), elle fait tout simplement partie des plus grands cinéastes français( e)s.

Coline Serreau est également tout-à-fait sous-estimée. Le seul livre qui lui est consacré est écrit par elle-même, #colineserreau, et à l’évocation de son nom on obtient souvent un « Ah oui, « Trois hommes et un couffin… » qui sous-entend que ce coup de chance résumerait sa carrière. Certes ce film est un des plus gros succès de toute l’histoire du cinéma français, au dixième rang avec ses 10,2 millions d’entrées, et reste le film de réalisatrice le plus vu dans les salles françaises, toutes nationalités confondues. Cependant, même si on enlevait ces 10,2 millions au palmarès de Coline Serreau, il lui en resterait encore 8,2 ! D’excellents films comme Romuald et Juliette, La Belle Verte, La Crise ou Chaos étaient non seulement prémonitoires sur des thèmes comme la solidarité ou l’écologie mais ils ont attiré au total 5 millions de spectateurs. Également comédienne, scénariste et documentariste (Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? en 1977, Solutions locales pour un désordre global en 2010), Coline Serreau est sans doute trop intelligente et a trop réussi pour qu’on lui donne tout de suite sa vraie place.

Enfin il existe au firmament des succès féminins au cinéma, en tout cas au box-office, trois stars mondiales dont le nom est autant inconnu en France que leurs films sont célèbres: Vicky Jenson (Shrek), Jennifer Lee (La Reine des neiges) et surtout Brenda Chapman (l’ambitieux  Prince d’Egypte de 1998, Rebelle, Oscar du meilleur film d’animation en 2013). Cette dernière est aussi la scénariste principale du Roi Lion et une co-scénariste de plusieurs films pour Disney (Le Bossu de Notre-Dame, La Belle et la Bête, Dreamworks et Pixar (Cars).

Au moins 100 films de réalisatrices ont dépassé le million d’entrées en France. Voici le tableau des 25 premières :

Ce tableau tend à suggérer qu’il y a donc deux manières d’avoir du succès quand on est réalisatrice : soit être américaine et faire des films d’animation (Jennifer Lee, Vicky Jenson, Brenda Chapman, deux films chacune dans le top 25), soit être française et avoir été comédienne (Coline Serreau, Josiane Balasko, Agnès Jaoui, Lisa Azuelos, Valérie Lemercier, Maiwenn, Emmanuelle Bercot et même Diane Kurys).

L’évolution à long terme sur 75 ans (de 1946 à 2020) : croissance puis essoufflement

Pour lisser les évolutions nous avons regroupé ces 75 années par périodes de cinq ans. On constate aisément la très forte croissance lors des années 90 du nombre de réalisatrices dont au moins un film est distribué en salles. Leur nombre est multiplié par cinq en moins de dix ans, passant de 29 entre 1986 et 1990 à 157 entre 1996 et 2000 !

Cette croissance amorcée à la fin des années 80 va être ensuite continue pendant trente ans, avec cependant une tendance au ralentissement à partir de 2015. Mais si l’on se concentre ensuite sur les réalisatrices ayant obtenu plus de 100.000 entrées (par période de cinq ans, pas forcément sur un seul film), on constate pour la courbe en orange que la croissance est là aussi régulière, mais beaucoup moins forte et cette fois-ci le ralentissement commence non plus en 2015 mais dès 2010.

Dit autrement : à partir de 2010 l’augmentation du nombre de réalisatrices distribuées dans les salles est presque uniquement le fait de celles qui obtiennent moins de 100.000 entrées, encore une fois sur une période de cinq ans.

L’évolution de la part de la fréquentation totale obtenue par les réalisatrices accentue encore le constat :

L’essor spectaculaire du nombre de réalisatrices distribuées dans les salles se traduit en effet dans les entrées. La croissance est quasiment continue pendant quarante ans, de 1965 à 2005 (avec la « bosse » de 1985 due à « Trois hommes et un couffin »). Il est vrai que l’on partait de très bas. Mais un « plafond de verre » un peu au-dessus de 7% des entrées semble avoir été approché dès 2005, avec même une décroissance dans la dernière période.

Au premier trimestre 2022 (13 premières semaines, chiffres au 29 mars) les salles françaises avaient enregistré 35,4 millions de spectateurs pour 174 films distribués. Sur ces 174 films, 42 étaient réalisés par des femmes (24% du total) et avaient obtenu au total 1,523 million d’entrées, soit seulement 4,3% du total. Sur les 42 films de réalisatrices, seuls 7 avaient obtenu plus de 50.000 entrées et un seul, Les jeunes amants de Carine Tardieu, avait dépassé les 200.000 spectateurs avec 389.000 entrées. 19 des 42 films, soit près de la moitié, n’avaient pas dépassé les 10.000 entrées, dont 4 moins de 1000.

Certes, il faut rester prudent pour les deux dernières années, très particulières, pour lesquelles il est trop tôt pour dégager des tendances durables. Mais remarquons que dans le marasme du début de l’année 2022 on retrouve le prolongement de tendances plus anciennes. On dit que le cinéma d’auteur français souffre, mais on va voir que c’est encore plus vrai pour le cinéma d’autrices.

La détérioration de la situation des films de réalisatrices est encore pire pour les Françaises.

Les évolutions décrites précédemment portaient sur l’ensemble des réalisatrices, françaises et étrangères. Elles masquent le fait que depuis une dizaine d’années si la place des réalisatrices dans les entrées se maintient ou presque c’est en grande partie grâce aux films américains, notamment d’animation.

Une comparaison, à dix ans d’écart, du top 10 des réalisatrices ayant connu le plus grand succès dans les salles françaises le montre aisément :

Parmi les dix réalisatrices ayant connu le plus grand succès, on comptait sept réalisatrices de films français entre 2006 et 2010 et seulement trois anglo-saxonnes. Dix ans après la proportion a fait plus que s’inverser car il n’y a plus que deux françaises dans la liste.

Cela se traduit alors par le graphique suivant, qui n’est guère réjouissant :

Ce graphique montre ce que les précédents cachaient. Derrière la stagnation à partir de 2005 de la part des réalisatrices dans la fréquentation, toutes nationalités confondues, se cache une diminution du public des françaises, tant en valeur absolue – les réalisatrices françaises ont cumulé 47 millions d‘entrées entre 2006 et 2010 et seulement 29 dix ans plus tard – qu’en valeur relative : leur part dans le total du public du cinéma en salles passe de 4,9 à 3,2% dans le même intervalle.

On doit mettre cette baisse en rapport avec l’évolution générale du cinéma français dans la période, car la part de l’ensemble des films français baisse elle aussi : 40,18% en 2006-2010 et 37,3% dix ans plus tard. Mais cela signifie que la part des films des réalisateurs français a un peu moins baissé que celle des réalisatrices : -1,18% pour les uns et -1,7 pour les autres.

Il faut donc souligner que cette diminution du public des réalisatrices françaises ne s’explique pas non plus par la baisse de la fréquentation générale des cinémas observée depuis la pandémie. D’une part elle commence bien avant et d’autre part les films des réalisatrices étrangères ne connaissent pas le même problème : ils réalisaient en gros 5 millions d’entrées par ans entre 2000 et 2015 et ils en obtiennent désormais plus de 7 par an en moyenne depuis 2016.

Comment expliquer ces évolutions ? Et peut-être y remédier…

Un consensus politique mondial, depuis plusieurs décennies, est que la faible place des femmes réalisatrices dans le cinéma est une anomalie regrettable. Des politiques actives ont été mises en place dans plusieurs pays et notamment en France. Plusieurs rapports officiels, sous l’égide du CNC ou de l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel par exemple ont été publiés. D’innombrables colloques, numéros spéciaux de revue, des festivals ont été consacrés à ce sujet. Le Festival International de Films de Femmes de Créteil, créé en 1979, propose sa 44ème édition en 2022 et donne lieu à de nombreuses contributions sur ce thème.

La bibliographie ce sujet est immense, notamment en langue anglaise (cf annexe). Cependant, pour les rapports officiels, et les groupes de pression corporatifs, le sujet principal n’est pas le public de ces films mais leur nombre. Ainsi pour le CNC dans son rapport de novembre 2020 :

Dans son rapport de 2014, l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel avait la même préoccupation centrale :

Or, dès 2016, dans « Bilan 2004–2013 de la production et du financements des films français réalisés ou coréalisés par des femmes » un article publié par l’excellente mais plutôt confidentielle revue « Studies in French cinéma », l’universitaire Fanny Beuré tirait la sonnette d’alarme :

« En dépit de l’importance croissante du nombre de femmes au sein de l’industrie, l’égalité des moyens n’est pas encore effective. Les réalisatrices sont ainsi cantonnées à des projets aux budgets très modestes et dépendant fortement des financements publics (en particulier des aides sélectives du CNC), même dans le cas de réalisatrices reconnues. »

Fanny Beuré soulignait en outre le problème de la difficile carrière des réalisatrices, même en cas de succès :

« Plus surprenant, néanmoins, est le constat que les écarts de devis entre les films réalisés ou coréalisés par des femmes et l’ensemble des films ne se réduisent pas avec le rang du film, mais au contraire se creusent. En effet, sur l’ensemble de la décennie [2003-2012] , le budget moyen d’un premier film réalisé ou coréalisé par une femme est de 2,37 m€, quand le budget moyen pour l’ensemble des premiers films est de 3,10 m€, soit –30,7 %. Pour le deuxième film, ces budgets moyens s’élèvent respectivement à 3,96 m€ et 5,38 m€ soit une différence de –36,0 %. Enfin, pour le troisième film ou plus, ces devis moyens s’élèvent respectivement à 4,77 m€ et à 7,06 m€, soit –47,9 % ».

Cette analyse prolongeait celles de Françoise Audé, notamment dans Cinéma d’Elles (ed L’Age d’homme 2003). A côté d‘une poignée de réalisatrices françaises qui rencontrent le succès, la plupart du temps après ou pendant une carrière de comédienne (Serreau, Balasko, Jaoui, Azuelos, Lemercier, Mergault, Garcia, Bercot, Delpy, Laurent, pour n’en citer que dix) la plupart des autres subissent des carrières courtes, voire très courtes. Dans notre base de données contenant 354 réalisatrices françaises, 46% d’entre elles (164) n’ont eu qu’un seul film sorti en salles au cours des 75 ans étudiés.  Un tiers seulement ont atteint le stade du troisième film.

Cette pyramide du succès ou de l’insuccès n’est pas forcément très éloignée de celle des réalisateurs masculins. On la rencontre d’ailleurs dans toutes les industries culturelles. En revanche le problème de la différence des budgets entre les réalisatrices et les réalisateurs est bien réel. Fanny Beuré montre que ce n’est d’ailleurs pas qu’une question de montant mais aussi de structure de financement. Les réalisatrices bénéficient plus des aides publiques que leurs confrères masculins. On peut considérer que c’est la trace du volontarisme du CNC pour mettre en œuvre une politique de développement de l’offre de films de réalisatrices. Mais on peut aussi prendre le problème dans l’autre sens : les réalisatrices bénéficient donc moins que les hommes des financements privés, et comme les budgets de leurs films sont nettement inférieurs à ceux des réalisateurs ont peut même dire qu’elles en bénéficient beaucoup moins. Or les financements privés, ce sont ceux qu’accordent les « professionnels de la profession ».

Cette situation est sans doute également celle de leurs collègues européennes, mais absolument pas des anglo-saxonnes. Le vieil Hollywood comme le nouveau n’hésitent pas à confier des budgets considérables à Jane Campion, Kathryn Bigelow, Anna Boden ou Patty Jenkins. Dès 2000, Dreamworks confiait la coréalisation de Shrek et ses 66 millions de dollars à Vicky Jenson. On peut alors résumer la situation ainsi : les Américaines attaquent le marché par le haut (des budgets), les Françaises par le bas.

Au total le développement du cinéma des réalisatrices est victime en France d’une contradiction qui pèse sur l’ensemble du secteur mais plus particulièrement sur les réalisatrices : d’un côté la volonté de produire plus, de donner leur chance à un maximum de talents féminins, mais de l’autre une situation générale où les financements ne sont pas infiniment extensibles. Et la contradiction se résout en souplesse par des budgets insuffisants. Il serait alors souhaitable, en théorie, qu’il y ait moins de films de réalisatrices mais avec de meilleurs budgets. Mais par quel mécanisme ? Et comment aller ainsi à rebours de tous les discours tenus depuis des années ? Il serait souhaitable que le système se préoccupe plus de la gestion des carrières de ces autrices, et fasse en sorte qu’elles se prolongent. Mais, là encore, qui pour s’en charger ? La galaxie des agents est plus éclatée que jamais, et ils ne sont efficaces que pour une toute petite minorité des « talents ». Et il n’y a pas de major à la française capable de gérer la carrière à moyen terme des réalisateurs, encore moins pour les réalisatrices.

Conclusion

Le nombre de films de réalisatrices distribués dans les salles françaises a considérablement crû dès le début des années quatre-vingt-dix, en quelque sorte spontanément, c’est-à-dire sans qu’une politique officielle ne se donne un tel objectif. Même si des voix s’élevaient dès les années 70 (cf Cinéma d’Elles de Françoise Audé, chapitre 2) on était encore loin du collectif 50/50 et l’inscription de l’objectif de parité dans l’espace public. Le paradoxe est que c’est dans les années 2000 et surtout 2010, alors que le thème faisait progressivement l’objet de vifs débats et d’objectifs explicites de la part des pouvoirs publics, que le mouvement s’est ralenti plutôt qu’accéléré. Cela pose d’abord le problème de l’efficacité des politiques culturelles quand la bonne volonté des pouvoirs publics (ici du CNC notamment via l’avance sur recettes) n’est pas relayée par les acteurs privés. Aux Etats-Unis, le secteur privé semble être allé plus vite et plus loin vers la parité dans le cinéma.

Plus concrètement, l’accent mis sur le nombre de films réalisés par des femmes n’est pas suffisant si l’on « oublie » la fréquentation de ces films. La situation française est celle d’une relative stagnation de entrées depuis environ quinze ans, malgré un nombre de films croissant. Cette stagnation cache en outre une diminution de la part des réalisatrices françaises, en valeur absolue comme en valeur relative.

Cette baisse de la fréquentation des films de réalisatrices françaises n’est ni conjoncturelle, car elle s’est amorcée depuis plus de dix ans, ni simplement due à la baisse générale de la fréquentation, car ces films perdent leur public plus vite que les autres films. On ne peut plus considérer que les critères quantitatifs habituels (nombre de réalisatrices, proportion parmi les films aidés) sont l’alpha et l’oméga d’une politique de rééquilibrage en faveur de la « parité ». C’est plus facile à dire qu’à mettre en œuvre c’est vrai, car il n’y aura probablement pas de solution, et pas seulement pour les réalisatrices, sans une diminution du nombre de films produits. Or une bonne partie du système du cinéma français, des obligations des chaînes au lobbying des producteurs en passant par les distributeurs et les représentants des artistes, est verrouillé en pilotage automatique vers la production de plus de 200 films, pour ne parler que de ceux qui ont un financement d’au moins une chaîne et une véritable distribution en salles. Jusqu’au crash. Il sera difficile d’éviter longtemps le retour à des niveaux de production plus conformes à ce que le marché peut absorber. Pour éviter que les femmes en soient les premières victimes, se posera probablement alors la question délicate de quotas, explicites ou implicites. Mais quelque soit le niveau de production, la fréquentation des films de réalisatrices françaises ne repartira qu’à deux conditions : une augmentation des budgets qui leur sont consacrés et sans doute, au sein de ces budgets, un renforcement vigoureux des dépenses de marketing. Mais ce dernier point est une autre histoire qui nécessiterait l’examen de données qui ne figurent pas dans l’état actuel de notre base de données.


Annexe 1 : Bibliographie des livres et articles utilisés

. Audé Françoise « Cinéma d’elles: 1981-2001 » ed L’Age d’homme 2002

. BEURÉ Fanny, « Bilan 2004–2013 de la production et du financements des films français réalisés ou coréalisés par des femmes », Studies in French Cinema, 16 : 2, 2016, pp. 134-151

. Brey Iris Le regard féminin – une révolution à l’écran Editions de l’Olivier 2020

. Le Bris Véronique 100 grands films de réalisatrices Arte Editions 2021

. Malone Alicia The Female Gaze. Essential Movies made by women. Mango Publishing 2018

. Tarr Carrie Filmography: Films directed or co-directed by women 2000–2010 in Studies in French Cinema
Volume 12 Number 3. 2012

. Revue French Mania Printemps-été 2022

.  Rollet Brigitte Femmes et cinéma, sois belle et tais-toi ! Belin 2017

. Tarr Carrie et Rollet Brigitte Cinema and the second sex. Women’s Filmmaking in France in the 1980s and 1990s. Bloomsbury Academic 2016

Annexe 2 : méthode

La base statistique porte actuellement sur 1550 films de 660 réalisatrices différentes, de 52 pays différents, dont 354 Françaises, sortis en salle en France entre 1946 et 2020. Ces films ont obtenu au total 413 millions d’entrées. Il est difficile de mesurer le degré d’exhaustivité de la liste actuelle des réalisatrices, sans doute imparfait, mais qui semble convenable pour la période 1945-2010 et les films ayant obtenu plus de 10.000 entrées. Des oublis sont inévitables, mais le but étant de bâtir un moyen d’évaluer le public des réalisatrices, ces oublis sont probablement sans grandes conséquences sur la portée de l’étude.

Toutefois, si le nombre de films et de réalisatrices dans la base est élevé, il faut souligner qu’il ne s’agit ici que d’un échantillon, sans doute très représentatif des tendances, mais imparfait dans le détail.

Les données de fréquentation sont tirées de la base CBO-Box Office complétée, dans de rares cas où l’information manquait, notamment grâce au site boxoffice story. Les données de CBO- Box Office font autorité dans la profession mais une base d’une telle taille comporte nécessairement des imperfections portant cependant sur des chiffres faibles : ainsi le premier film d’Agnès Varda, la Point courte, pourtant exploité en 1956, n’y figure pas, de même que Le futur aux trousses de Dolorès Grassian (1975), La Barbare de Mireille Darc (1989) ou encore Les Pyramides Bleues d’Arielle Dombasle (1988). Il est donc possible que certains films aient échappé à notre radar si CBO les ignore, mais il est peu vraisemblable que cela porte sur plus de quelques milliers d’entrées.

Il s’agit des données de fréquentation en France, donc ne donnant qu’une indication très partielle de l’accueil global des films des réalisatrices étrangères. Cependant les salles françaises sont non seulement nombreuses mais aussi ouvertes au cinéma du monde entier. Il existe des pays plus ouverts, parce qu’ils sont petits, mais ils ont peu de salles, et il existe un petit nombre de pays plus grands, mais leurs salles sont également très peu ouvertes au monde. La France constitue le moins mauvais des observatoires de la situation mondiale des réalisatrices de long métrages de cinéma.

Les exploitations autres qu’en salle, notamment à la télévision ou sur des plateformes de svod, ne sont pas prises en compte.

Seules les réalisatrices ayant signé au moins un film de fiction de long métrage sont retenues, y compris les films d’animation mais donc non compris celles n’ayant réalisé que des documentaires ou des courts et moyens métrages. Les reprises ne sont pas prises en compte, mais leur fréquentation est de toute façon très faible. Les chiffres de fréquentation sont arrondis au millier le plus proche.

Les films de Lana Wachowski sont compris à partir de son changement de prénom, en 2012.  Ceux de Lilly ne figurent pas car aucun n’a eu de première exploitation après 2016, année de son changement de prénom.

Pour un sous-ensemble de la base sont également incorporées les notes sur Imdb et celles des appréciations de la presse sur Allociné.

Je suis naturellement preneur de toutes remarque, critique ou piste d’amélioration sur ce sujet, ce travail n’ étant qu’un propos d’étape.

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4 réflexions au sujet de “Réalisatrices de cinéma: tendances et public”

  1. Je rejoins Catherine Lottier pour la pertinence de ce billet. Bon, c’est en même temps sans surprise de ta part, Sifu Alain. Et je milite aussi pour une réhabilitation (« critique » – je veux dire) de Coline Serreau. La Belle Verte restant un de mes films préférés à tout jamais….

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  2. Quand le public plébiscite un film, sait-il qui a pu le réaliser ?
    Que veut-on « savoir » d’un film ? Cette question ne varie-t-elle pas selon les objets culturels ?
    Et « Pourquoi pas » de Coline Serreau… audace, talent, finesse…
    Chantal Ackerman a porté haut la voix d’un féminisme français avec l’engagement de Delphine Seyrig. Ce cinéma politique n’a-t-il pas de place dans les bases de données ? Et dans l’opinion des féministes ?
    Merci pour cette étude qui incite à visiter notre mémoire

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  3. Merci Alain pour cette analyse très complète. Et inquiétante notamment en ce qui concerne les entrées récentes des films réalisés par des Françaises. Je rajoute à votre bibliogrpahie l’étude Cinégalités du Collectif 50/50 qui vient d’être rendue publique dans son intégralité : elle concerne quant à elle un état des lieux des représentations dans le cinéma français (115 films de 2019). https://collectif5050.com/fr/nos-etudes/cinegalites

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