Sur un domaine en pleine évolution, les rapports d’organismes officiels sont d’une lecture précieuse, mais il se démodent à la vitesse du marché. Il existe cependant des sites d’informations d’accès gratuits qui les complètent efficacement. Et quelques livres…
Pour les investisseurs c’est entendu, les grands services de
svod sont les nouveaux rois de l’audiovisuel, dont ils vont dominer l’économie.
Et elle en a bien besoin cette économie puisque la situation des chaînes de
télévisions est de plus en plus inquiétante[1]
et que dans le cinéma presque tout le monde perd de l’argent, pour ne pas
parler de la vidéo, moribonde. Le problème c’est que la svod ne va rien
arranger, du moins à court terme. Jusqu’en 2018 en effet la quasi-totalité des
services de svod étaient en déficit, en tout cas pour ceux qui publient leurs
comptes. Ceux qui ne le font pas sont intégrés à des services plus grands et
quand on interroge, sous le sceau du secret, un responsable financier d’Orange,
de Canal+ ou de SFR par exemple, on comprend qu’il ne vaut mieux pas publier
ces résultats. Il existe quelques exceptions, à commencer par Netflix, mais le
tableau suivant montre qu’après 20 ans d’existence et une position de leader
mondial la firme se contente d’un résultat net de 558 millions de dollars. Cela
peut paraître beaucoup, mais si on rapporte cette somme au nombre d’abonnés
(117 millions) cela donne une marge annuelle de 4,8 dollars par abonnés. Or, si
le recrutement de chacun de ces abonnés a coûté 50 dollars (en fait c’est plus
aujourd’hui), cela veut dire qu’il faut prier pour qu’ils restent au moins dix
ans pour être rentable. En France, FilmoTV, filiale du groupe Wildbunch, est
profitable depuis plusieurs années mais c’est une exception remarquable due à
une gestion extrêmement serrée de ses coûts.
Pour les consommateurs européens, aujourd’hui, le
déploiement des offres américaines est une bonne nouvelle accueillie avec
ferveur. On ne compte plus les blogs, les vidéos de fans sur Youtube, les
messages sur les réseaux sociaux pour célébrer telle ou telle série, quand ce
n’est pas directement Netflix, Amazon ou HBO qui font l’objet d’un culte. Le
rôle de Cassandre ou de pisse-vinaigre pour décrire les nuages qui se cachent
derrière cette « bonne nouvelle » n’est donc pas très confortable. Pourtant
il est nécessaire d’expliquer que les grands services de svod ne se contentent
pas de mettre à disposition à bon prix les œuvres, films et séries, telles
qu’elles sont aujourd’hui. Elles les transforment aussi, modifient de manière
peu visible mais profonde la façon dont elles sont produites. Netflix et
Amazon, dans le monde entier, font des choix, mettent progressivement en avant
certains programmes, en marginalisent d’autres. Elles le font gentiment, dans
l’intérêt à court terme de leurs consommateurs, mais comprendre les enjeux de
cette mutation c’est comprendre que la machine audiovisuelle européenne a
changé de conducteur.